« Violences conjugales : la honte a changé de camp » – article Ville de Sainte-Luce sur Loire Grenelle de lutte contre les violences conjugales

Violences conjugales : la honte a changé de camp

Mercredi 9 octobre salle Renée-Losq, Sainte-Luce accueillait l’une des trois réunions organisées en Loire-Atlantique dans le cadre du Grenelle de lutte contre les violences conjugales. Les propositions alimenteront un « plan stratégique quinquennal » qui sera présenté le 25 novembre, journée internationale de lutte pour l’élimination des violences commises à l’égard des femmes. Un plan d’actions départemental sera présenté le même jour à l’occasion du comité local d’aide aux victimes. La soirée a débuté par la diffusion d’un petit film animé qui raconte comment, toute leur vie, les femmes sont soumises à des remarques sexistes. « C’est notre quotidien, tout le temps », réagit une personne dans le public de la salle Renée-Losq. Environ 70 personnes se sont déplacées. C’est un peu mieux qu’à Saint-Nazaire (60 personnes la veille), mais sans doute pas à la hauteur de l’enjeu : 220 000 femmes victimes de violences et 121 femmes assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2018. Le chiffre est en hausse : déjà 117 victimes en 2019. Le but de la réunion, animée par la déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité, Valérie Richaud-Taussac, est de permettre de « poser des questions, témoigner et proposer ». Le maire Jean-Guy Alix rappelle qu’aujourd’hui en France, « une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Beaucoup vivent dans la terreur, dans l’emprise, dans la crainte pour leur vie ou celle de leurs enfants ».

Détermination

L’association Solidarité Femmes et le Centre d’Information pour les Droits des Femmes et des Familles (CDIFF) présentent de façon très pédagogique le sexisme qui mène aux violences conjugales et les violences conjugales en elles-mêmes : « la violence conjugale, c’est n’est pas un conflit de couple, c’est une personne qui domine et détruit ». Le phénomène d’emprise est également décrit : « les femmes victimes en ont honte. Or, il faut que la honte change de camp. C’est l’homme violent qui doit avoir honte. Mais la situation de dominateur masculin rend cela possible ». Les formes de la violence sont également explicitées : contrôle, enfermement, violences physiques, viol conjugal et féminicide. « Tous les milieux sociaux sont concernés », souligne Solidarité femmes. Les témoignages ont donné un visage à ces propos : « j’ai vécu avec un pervers pendant 10 ans. Ce n’est pas simple de porter plainte. On vit alors une sorte de dissociation, on ne se rend pas compte de ce que l’on vit, on doute de soi… Quel poids vais-je avoir pour déposer plainte ? ». Plusieurs questions de fond sont soulevées : « un homme qui frappe sa femme peut-il être un père ? ». Dans le cadre du Grenelle, Solidarités femme a justement demandé que la garde alternée soit impossible en cas de violences conjugales. Autre question : « Quelle aide peut avoir une femme qui veut se reconstruire avec ses enfants ? ». L’impasse administrative et le vide juridique sont montrés du doigt. La déléguée départementale précise toutefois qu’il « existe des solutions même si elles ne sont parfaites », en soulignant « la méconnaissance de la justice et du tissu associatif » qui agissent dans le domaine. Le maire insiste alors sur « l’importance de la proximité pour aider et accompagner les victimes », d’où le contrat local de prévention en cours de préparation à Sainte-Luce. Des propositions émergent : « augmenter les places d’accueil et les subventions aux associations spécialisées », « renforcer la formation des professionnels et les moyens de la justice », « faire respecter les interdictions ».  En 2 heures de temps, la soirée a semblé à la fois trop dense et trop courte au regard de l’importance du sujet. Mais des victimes ou proches de victimes ont pris la parole avec émotion et courage, pour raconter leurs difficultés, mais aussi leur chemin de vie et leur détermination. Et dans ces instants de vérité, la honte avait vraiment changé de camp…

https://www.sainte-luce-loire.com/actualites/violences-conjugales-la-honte-a-change-de-camp/

Interpellation du Procureur de la République de Nantes – Collectif Unitaire 25 novembre

MAIS QUE FAIT LE PARQUET DE NANTES ?

Maria a 21 ans. Le père de son fils la frappe lorsqu’il estime qu’elle lui manque de respect. La dernière fois il lui a perforé le tympan. Pour Maria c’était la fois de trop et en cette après-midi de novembre 2017 elle a déposé plainte son bébé sous le bras et munie d’un certificat médical fixant une incapacité temporaire de travail de 10 jours. Les gendarmes ont pris sa plainte et puis… rien. Son ex compagnon a continué de la menacer, de l’insulter. Maria a déposé une nouvelle plainte en décembre. Puis une autre en janvier. Elle explique qu’il menace de la tuer sur les réseaux sociaux. Elle montre les messages, elle fait écouter ceux qu’il laisse sur son répondeur. Elle explique que lorsqu’elle marche dans la rue elle garde en permanence une bombe lacrymogène serrée au creux de sa main. Toujours rien…. En avril 2018 Maria vit la peur au ventre. Elle dépose encore plainte. Les Gendarmes se décident à appeler le père de l’enfant. Il les envoie se faire voir ailleurs. Il faudra encore plusieurs jours avant qu’il ne soit finalement placé en garde à vue. Il ne sera, en juillet 2018, jugé que pour les faits de novembre 2017, les menaces de mort, les insultes et les mauvais traitements sur animaux (il a tué les deux chatons en les jetant par la fenêtre pour se venger) passant en pertes et profits.

Pourtant la preuve des violences et du danger étaient là, concrets, incontestables dès le mois de novembre….

Maria aura dû attendre 7 mois avant que son agresseur ne réponde de ses actes et ce sans aucune protection…

Catherine appelle au secours par la fenêtre. Son mari vient de lui arracher une mèche de cheveux et de la gifler. Pour l’empêcher de crier il la saisi par la gorge et la jette au sol dans le salon sous les yeux ébahis de leurs deux petites filles. Catherine parvient à appeler les secours avec son portable ; Son mari tente de le lui arracher des mains et pour l’en empêcher elle lui mord l’avant-bras.

Lorsque les gendarmes arrivent ses nerfs lâchent et elle s’effondre. Lui reste impassible.

Il dépose plainte contre elle pour la morsure au bras.

Catherine reçoit une convocation délivrée par le Parquet de NANTES en médiation pénale….comme auteur de violences réciproques sur conjoint…

Isabelle est cadre dans une grande société. Lorsqu’elle décide de rompre avec son compagnon, celui-ci ne le supporte pas. Il lui envoie plus de 3000 emails. Il la surveille constamment. Il est là jour et nuit devant son domicile. Isabelle ne se laisse pas impressionner. Elle dépose une première plainte le 15/09/17. Elle explique que depuis le mois de juillet son ex compagnon ne cesse de l’appeler, de lui envoyer des messages, de la suivre en voiture, de venir devant son domicile au milieu de la nuit et y reste pendant des heures ; Elle montre les preuves et messages aux gendarmes qui prennent sa plainte.

Rien ne se passe ; Elle redépose plainte le 24/09/17, son agresseur s’est présenté sur son lieu de travail. Cette fois elle a vraiment peur. Elle ne peut plus dormir. Elle dépose encore plainte le 02/10 car il lui envoie des messages sexuels et orduriers. Il passe tous les jours devant chez elle. Elle retourne voir les gendarmes le 27/10 car rien ne se passe et il est toujours là devant chez elle ; Isabelle dépérit. Elle perd 10 kgs, son état de santé se dégrade. Son employeur finit par lui payer un garde du corps. Elle déposera au total 8 plaintes avant que son agresseur ne soit finalement placé en GAV au mois d’avril et jugé au mois de juillet…

Nous pourrions multiplier les exemples à l’infini.

Parler de toutes celles auxquelles on refuse toujours de déposer plainte, des classements sans suites incompréhensibles quand ce ne sont des poursuites engagées contre les victimes elles-mêmes.

A l’heure ou la société tout entière semble commencer à prendre conscience de l’ampleur des violences conjugales, il y a encore trop de Maria, Catherine ou Isabelle…

Nous pourrions parler aussi des viols qui sont requalifiés en simples agressions sexuelles afin de désengorger le flux de dossiers en attente, les criminels étant alors jugés comme des délinquants. Et les victimes violées auxquelles on dit qu’elles n’ont fait l’objet que d’une simple agression sexuelle.

Nous pourrions aussi évoquer le sort de ses femmes que l’on renvoie dans leurs pénates et leur disant que ce qu’elles y subissent sont de simples disputes. D’une gendarmerie à l’autre l’accueil peut être tellement différent.

Nous accompagnons au quotidien ces rejetées du système judiciaire, ces laissées pour compte de la police et de la justice.

Quel est le problème du Parquet de NANTES ?

Il nous avait semblé que la lutte contre les violences faites aux femmes était l’un des objectifs ambitieux et prioritaires de la politique pénale que le Parquet de Nantes avait l’intention de mener…

Nous avions attentivement écouté les discours des rentrées solennelles du Palais de Justice ou la question des violences conjugales figurait en bonne place dans les objectifs de combats à mener.

Pourquoi cette impression de différence entre les paroles et les actes ?

Le Parquet à une responsabilité à poursuivre les auteurs mais aussi à protéger les victimes. Cela passe par des qualifications pénales au plus proche des faits, par des mesures de protection rapides et concrètes parce que les mécanismes légaux existent et peuvent être efficaces ; Il suffit de s’en servir…

Assurément les efforts et les moyens se portent ailleurs.

Nous recueillons encore trop souvent des témoignages de femmes qui ne sont pas entendues alors qu’elles pensaient depuis peu que leur parole pouvait se libérer.

Nous demandons donc au Parquet de NANTES de renforcer sa politique pénale. De donner des instructions claires aux services de police et de gendarmerie ; De saisir rapidement les juridictions de jugement et de faire prendre dans l’attente du jugement les mesures qui s’imposent : éloignement, contrôle judiciaire ou détention provisoire. Nous demandons au Parquet de NANTES de mettre toute son énergie, sa compétence et sa détermination à faire en sorte qu’en Loire Atlantique les femmes soient enfin véritablement entendues et protégées.

Fait à NANTES le 21 Novembre 2018

Signataires : Alfa Apel Egalité, Ciné Femmes, Femmes Solidaires Comité de Nantes, Les 44 Vilaines Filles, Osez le Féminisme 44, Planning Familial, RAFU (Réseau d’Actions Féministes Unies), SOlidarité FemmeS Loire-Atlantique, Union Départementale CGT 44, les 44 Vilaines Filles.

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Voir l’article Ouest France jeudi 22 novembre 2018

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-violences-faites-aux-femmes-la-lettre-ouverte-d-un-collectif-6082936?fbclid=IwAR1KfmON_3xcXp_KlC5zVkadveWR-WQWrXn3whLXzM7dDBBkWWEz8I0y5IE