Victimes directes lorsqu’ils sont eux-mêmes frappés, insultés, harcelés, humiliés, menacés ; victimes indirectes lorsqu’ils sont exposés. Ces violences peuvent se prolonger au-delà de la séparation des parents. Les enfants peuvent être instrumentalisés pour maintenir l’état d’emprise sur l’autre parent. Ainsi, l’impact des violences conjugales sur les enfants est particulièrement grave et fréquent.
« Les décisions de justice ne tiennent compte que trop peu souvent des violences conjugales dans l’organisation de la vie des enfants après la séparation du couple et partent du postulat que « La vie de couple est finie mais les parents doivent continuer à être parents ensemble ». Karen Sadlier emploie l ‘expression de « parentalité parallèle » qui met en évidence l’enjeu de veiller à ce que l’organisation de la vie de l’enfant ne soit utilisée comme un nouvel espace d’emprise et de violence. ».
Edouard Durand – ouvrage Violences conjugales et parentalité, Protéger la mère c’est protéger l’enfant » – L’Harmattan 2013.
Les conséquences traumatiques de l’exposition aux violences conjugales ne sont pas identiques dans leur expression et dans leur intensité. Elle dépendent de la durée des violences conjugales, de l’environnement familial et social (restreint ou élargi), de l’âge et de la personnalité de l’enfant.
L’âge de l’enfant est un facteur particulièrement important.
« L’exposition aux scènes de violences conjugales a d’autant plus d’impact quand l’enfant est petit car pendant la période préverbale, c’est à dire lorsqu’il a moins de deux ans, il n’a pas la capacité de mettre des mots sur ce qu’il ressent, et la scène est intériorisée (on dit aussi qu’elle s’engramme) à l’état brut, sous la forme de sons, de cris, de gestes, de regards, etc. Ces sensations se fixent au niveau cérébral sous la forme d’une mémoire traumatique qui peut resurgir telle quelle dans des circonstances qui rappellent le passé. ».
Il faut sortir de l’idée que l’enfant petit ne se rendra pas compte de ce qui se passe. Même sans avoir assisté aux scènes de violences, il ressent le stress de sa mère et en souffre.
Les enfants traumatisés par des violences conjugales présentent davantage de problèmes de santé : retard de croissance, allergies, troubles ORL et dermatologiques, maux de tête, maux de ventre, troubles du sommeil et de l’alimentation et ils sont plus souvent victimes d’accidents (8 fois plus d’interventions chirurgicales). Ils présentent fréquemment des troubles de l’adaptation : phobies scolaires, angoisse de séparation, hyperactivité, irritabilité, difficultés d’apprentissage, et des troubles de la concentration. Ils présentent aussi des troubles du comportement, 10 à 17 fois plus que des enfants dans un foyer sans violence, dont des comportements agressifs vis à vis des autres enfants, 50 % des jeunes délinquants ont vécu dans un milieu familial violent dans l’enfance.
L’enfant qui grandit dans un climat d’insécurité développe une grande détresse face aux violences. Il ressent l’incompréhension et se sent impuissant face à la menace de voir mourir un de ses parents, de mourir lui-même, ou d’être abandonné.
« L’enfant est d’autant plus exposé à des conséquences psychotraumatiques que les violences conjugales ont commencé très tôt, qu’il est l’aîné ou qu’il est enfant unique, que les violences sont graves et fréquentes, que l’enfant s’interpose et subit des violences directes. »
Edouard Durand – ouvrage Violences conjugales et parentalité, Protéger la mère c’est protéger l’enfant » – L’Harmattan 2013.
Tous ces signes doivent alerter les professionnel-les intervenant auprès des enfants, car il n’y a pas de fatalité. Un enfant qui peut exprimer ses difficultés, ses peurs et trouver une aide appropriée pourra prendre de la distance par rapport à la situation de ses parents et ainsi enrayer l’éventuel risque de devenir lui-même auteur ou victime de violences.
En conséquence, tous les acteurs intervenant dans le cadre des violences conjugales et de la protection de l’enfance s’accordent à dire que les enfants exposés aux violences conjugales doivent bénéficier de services adaptés pour mieux comprendre ce qu’ils vivent et y mettre la distance nécessaire à leur protection et à leur construction psychique.
De même les femmes doivent être aidées dans leur rôle de mère.
« Protéger la mère, c’est protéger l’enfant »
Il faut leur permettre de jouer leur rôle et leurs responsabilités, et désigner clairement les responsabilités dans la violence afin qu’elles puissent accompagner leurs enfants de manière adaptée tout en se protégeant le cas échéant.
« La reconnaissance indispensable que l’enfant est lui aussi victime des violences conjugales ne doit pas détourner l’attention portée au parent victime, au risque d’une nouvelle diversion dans la compréhension de la problématique des violences conjugales. Cette diversion conduirait à passer du questionnement sur le passage à l’acte de l’auteur des violences conjugales à un questionnement sur le couple dont le fonctionnement mettrait l’enfant en danger ».
Edouard Durand – ouvrage Violences conjugales et parentalité, Protéger la mère c’est protéger l’enfant » – L’Harmattan 2013.
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